Photogrammétrie, 3D, relevés… Hélène Vitté, archéologue, et Antoine Laurent archéologue et géomaticien, tous deux bénévoles Méganéo vont décoder pour nous cet univers.
Comment réaliser une photogrammétrie (ou modèle 3D) ?
Le matériel de base se compose d’un simple appareil photo (fonctionne avec un smartphone). Il peut s’utiliser avec une perche et une télécommande ou sur un drone.
Pour une bonne modélisation 3D, il est nécessaire d’obtenir une grande quantité de photos de bonne définition en multipliant les points de vue. Le réglage de l’appareil photo est primordial pour s’adapter au site ou à la taille de l’objet ainsi qu’à la luminosité et la météo.
Les prises de vue doivent se recouvrir les unes les autres afin de couvrir tous les angles. C’est pourquoi nous nous déplaçons régulièrement afin d’éviter au maximum les trous.
Ce travail 3D peut être géo-référencé et repositionné sur une carte en y intégrant des points topographiques à l’aide d’un tachéomètre ou de GPS de précision centimétrique (instrument de mesure des géomètres-topographes).
Comment les données sont-elles récupérées et traitées ensuite ?
Après le relevé sur le terrain, il est nécessaire de traiter les éléments sur un ordinateur (récupération des photos, coordonnées…). C’est au moyen de logiciel tels que Agisoft Metashape ou Meshroom d’Alice Vision qu’il est possible de traiter les centaines de photos. Comme pour la stéréoscopie de la vision humaine, l’ordinateur va comparer les clichés entre eux puis retrouver la position des photos.
Après de nombreux traitements et calculs, cela fournit un nuage de points dense qui permet ensuite d’obtenir notre maillage en 3D tant désiré. À partir de ce maillage le logiciel va appliquer une texture pour donner la couleur. On retrouve ainsi de précieux détails comme les aspects de surface de la roche sur un dolmen.
Grâce aux coordonnées intégrées dans le modèle, il est possible de générer des plans et des documents qui serviront de supports de travail.
Comment la 3D est-elle utilisée par les archéologues ?
L’archéologue a toujours eu besoin de représenter les vestiges dans l’espace afin d’améliorer la compréhension des sites. La photogrammétrie le fait tout en accélérant le travail dès la phase de terrain. Avec une centaine de photographies, nous obtenons une grande précision et une résolution optimale pour les archéologues. Il est ainsi possible de réaliser des relevés à l’échelle et détaillés permettant d’effectuer toutes les mesures utiles, c’est un vrai gain de temps ! Cela évite de réaliser les relevés à la main avec du papier millimétré en dessinant chaque élément. L’archéologue n’a plus qu’à se concentrer sur la lecture des vestiges.
Le modèle numérique du terrain, issu de la 3D, permet de lire le relief du site. Dans certains cas, cet outil oriente le choix des archéologues lors des opérations de fouilles. Au moment de la rédaction du rapport de fouilles, la 3D facilite la réalisation d’illustrations et de plans repris en DAO (dessin assisté par ordinateur). Enfin la 3D permet de garder en mémoire les différentes étapes de la fouille et du démontage du site.
Comment la 3D est-elle utilisée pour la médiation culturelle ?
Lors des fouilles et pour les visites guidées, la 3D permet d’imprimer rapidement des visuels pour présenter le chantier. Souvent très parlante, elle rend plus accessible auprès du grand public les problématiques scientifiques d’un chantier de fouilles.
En outre, c’est une archive mise à la disposition de tous pour faire découvrir un site et la recherche archéologique. Elle permet d’illustrer des données complexes tout en mettant en avant le patrimoine. Une de ses forces est de pouvoir être accessible en ligne et de diffuser la connaissance. C’est un nouvel élément de langage devenu presque incontournable pour la médiation culturelle.
Sur le site de Roquefort en Gironde, par exemple, nous avons pu restituer un modèle 3D de la sépulture « Arthur », découverte en 1974, à partir d’anciennes photos de fouilles en noir et blanc. Cela a permis d’illustrer les travaux scientifiques réalisés il y a plusieurs décennies sur ce secteur et de mettre en avant la protection du patrimoine mégalithique. On a ainsi pu restituer une partie du sondage réalisé dans les années 70.
Dans la grotte Chauvet-Pont d’Arc , la 3D est également utilisée pour étudier la cavité. Elle permet d’y retourner virtuellement, d’analyser ses décors en détail tout en la préservant. Pour le grand public, elle a été le point de départ de sa réplique physique et sera accompagnée de visite virtuelle.